mercredi 20 février 2013

6eme problème. 1858.

Sur les mêmes carte et schéma que l'exercice précédant :

Composition du corps de l'Ouest :

1ere division d'infanterie : 13 bataillons, 4 escadrons, 2 batteries
2eme division d'infanterie : 12 bataillons, 4 escadrons, 2 batteries
1ere division de cavalerie : 32 escadrons, 1 batterie
Réserve d'artillerie : 6 batteries

Total : 25 bataillons, 40 escadrons, 11 batteries

Le Corps de l'Ouest, qui est en possession des ponts sur l'Oder à Ciistrin, Frankfurt et Crossen, s'est concentré à Frankfurt, occupant avec la 1ere brigade d'infanterie les retranchements sur le Laudons Berge, le Rothe Vorwerk et le Damm-Vorstadt; la 2eme brigade se tient en arrière en support.
A midi arrive l'information qu'une colonne hostile s'avance par Drossen.

Le commandant ordonne à la 2eme division d'infanterie de passer ce même après-midi sur la rive droite de l'Oder, la division de cavalerie et l'artillerie de réserve devant suivre le 13 tôt le matin, de sorte que le corps d'armée au complet soit derrière le Laudons Berge prêt à faire mouvement pour 8h.

Une reconnaissance, ordonnée dans l'après-midi du 12, a repoussé l'avant-garde ennemie, mais a trouvé la position de Kunersdorf occuppée par de l'infanterie et de l'artillerie. L'approche du crépuscule a empéché une tentative contre cette position.

Des rapports dignes de foi signalent qu'une division de l'ennemi est partie tôt le 12 de Drossen dans la direction de Franckfurt, mais que deux autres divisions sont arrivées à Drossen dans la soirée.
Le Corps de l'Ouest a ordre d'engager l'ennemi, afin de forcer l'ennemi sur sa ligne de retraite de Posen, et de le presser contre le Warthe-Bruch.

Les reconnaissances précédentes ont indiqué que les prairies voisines de la Dreist et du Haupt Graben sont marécageuses et passables uniquement par de mauvaises routes. Les bois sur les hauteurs sablonneuses sont constitués de grands pins; les routes et même les chemins qui y passent sont propres aux voitures.

Indiquez les dispositions du commandant du corps de l'Ouest pour le 13.

Note : l'ordre doit être adressé aux trois divisions et au commandant de l'avant-garde, et sous une forme identique. Il doit clairement indiquer l'intention du Général, et cependant ne rien contenir que les commandants subordonnés, qui auront a l'exécuter, ne peuvent gérer eux-mêmes. De la même façon que les détails ne sont pas acceptable, il ne doit pas être fait mention des raisons. Si elles sont considérées comme nécessaires, elles doivent être ajoutées à la marge ou séparement.

jeudi 7 février 2013

5eme problème. 1858.

NdT : cet exercice ne dispose pas d'une solution, celle fournie par von Moltke n'ayant pas été conservée.

Un Corps de l'Est, de la force d'un Corps d'Armée mobile Prussien (2 divisions d'infanterie de 12 bataillons et 2 batteries chaque, une division de cavalerie de 24 escadrons, et une réserve d'artillerie de 6 batteries), avance de Posen vers l'Oder, pour prévenir la traversée de cette rivière par l'ennemi, ou en tout ces pour prévenir son avance.





Le gros du Corps de l'Est est arrivé à Drossen dans la soirée du 12 Mars, sa première division d'infanterie (12 bataillons, 8 escadrons, 1 batterie de 12 livres, 1 batterie de 6) est en marche vers Frankfurt.



A Zohlow, le commandant de la 1ere division reçoit un rapport de la tête de l'avant-garde signalant que la berge Laudons a été reconnu retranchée et occupée, que 6 bataillons et quelque artillerie bivouaquent au sud du Damm-Vorstadt, que de larges masses sont visibles sur les hauteurs derrière la ville, et que des troupes défilent continuellement sur le pont.

Le rapport est distribué à 16h. Il reste deux heures de jour. Le commandant de la division sait que le Corps de l'Ouest est équivalent en terme d'effectif au corps de l'Est, et seulement plus fort en cavalerie.

Que déterminera-t'il dans ces circonstances ? Quelles mesures prendra-t'il pour le réaliser ?

lundi 4 février 2013

Manoeuvre à simple action : 4 Critique.


 Suite et fin de cet article de la Revue Militaire Générale. Je reprendrai ensuite la traduction des "Taktische Aufgaben".

TROISIÈME PARTIE - CRITIQUE

D. Arrêtons ici l'exercice.

Je vous ai dit mon opinion au sujet de vos opérations de cavalerie; je n'y reviendrai pas.

Quelques observations seulement au sujet de vos ordres initiaux :

Le paragraphe II de votre ordre d'opérations eût été complété avantageusement par l'indication de ce que vous vous proposez de faire, en cas de rencontre avec l'ennemi sur la rive droite de la Seille. L'attention de tout le monde aurait été ainsi attirée sur cette éventualité, et chacun aurait été fixé sur vos intentions.

Au sujet des mesures prescrites à votre cavalerie, quelques observations de détail :

1° J'aurais fait appuyer par un peloton les reconnaissances d'officier dirigées sur Custines et sur Marbache. Ces reconnaissances vont loin vous prévoyez que leur mission pourra durer toute la journée. Il est utile de mettre à leur portée un repli.

2° Vous faites partir de Fleury, à 5h3o du matin, un demi-peloton de cavalerie, pour chercher la liaison avec la droite de l'armée. C'est un élément un peu lourd pour la mission dont il s'agit ; l'heure de départ est aussi trop tardive. Vous avez un intérêt majeur à être renseigné de ce côté le plus tôt possible. C'est une reconnaissance d'officier, partant de très bonne heure, et marchant vite, qu'il fallait envoyer. Elle vous aurait renseigné directement. Cela n'eût pas dispensé, bien entendu, votre commandant de cavalerie d'assurer cette liaison par ses propres moyens, comme vous le lui avez d'ailleurs prescrit.

3° Vous prescrivez à votre cavalerie d'aller retarder l'ennemi sur la rive gauche de la Seille, dans le secteur Aulnois, Jeandelaincourt. Ce secteur n'est pourtant pas le seul intéressant : l'ennemi peut s'avancer aussi bien à l'ouest de la ligne Nomeny, Jeandelaincourt. Votre intention est bien que, dans ce cas, votre cavalerie opère de même alors ne lui limitez pas son secteur d'action.

Je passe maintenant à l'étude de la manœuvre de votre brigade mixte. Mais il me paraît utile de vous donner au préalable quelques indications sur la situation, la mission et les opérations de l'adversaire supposé auquel vous avez eu affaire.
Pour l'ennemi, l'hypothèse générale faite par le directeur était la suivante :
L'armée ennemie (du sud) a forcé, le 28 février, les passages de la Seille entre Vic et Manhoué. Son corps de gauche, non engagé dans la journée, a pu atteindre à la nuit, avec son avant-garde, Arraye et Ajoncourt. Son gros s'échelonne de Leyr à Custines.
Il détache à gauche une brigade d'infanterie et trois batteries à Belleau et Sivry (1 bataillon à Lixières), un régiment de cavalerie et 100 cyclistes à Nomeny.
Le corps d'armée a pour mission, le 1er mars, tout en s'efforçant de déborder l'aile droite de l'armée du nord, de couvrir le mouvement en avant général de l'armée du sud contre une tentative venant de Metz.
Dans ce but :
L'avant-garde se porte, le 1er mars au matin, d'Ajoncourt sur Puzieux.
Le détachement de flanc se porte, par Nomeny, sur la rive droite de la Seille, en vue d'aller s'établir au nord des bois de Ressaincourt et de Secourt, et de reconnaître dans les directions Nomeny, Metz et Delme, Metz.
Le gros du corps d'armée s'avance, par la grande route, sur Létricourt, prêt à agir suivant les circonstances.
C'est au détachement venant de Belleau et Sivry, et formant l'avant-garde du corps d'armée, par Nomeny, dans la direction de Metz, que vous avez eu affaire.
A l'approche de votre colonne venant de Fleury, la cavalerie et les cyclistes ont occupé Nomeny et Rouves, pour tenir ces deux localités jusqu'à l'arrivée du bataillon venu de Lixières.
Grâce aux couverts qui masquent du côté du nord le pont de Nomeny, ce bataillon réussit, malgré la présence de votre section d'artillerie à l'ouest de Mailly, à franchir la Seille par fractions. Une fois rassemblé à l'ouest de Nomeny, il attaque le mamelon au nord de cette localité, avec l'appui de l'artillerie, qui a pris les devants et s'établit tout d'abord sur le plateau de la ferme de Laborde. Une de ses batteries franchit le pont, par voitures successives, et vient ouvrir le feu de la hauteur au sud du cimetière.
Quand votre cavalerie et sa batterie se sont repliées, le bataillon du parti sud, qui s'est emparé du mamelon au nord de Nomeny, se porte, largement déployé, dans la direction de Raucourt, à cheval sur la route, couvert à gauche par la cavalerie (3 escadrons), qui s'est avancée vivement, par Rouves, à la suite de vos deux escadrons évacuant ce village. Les cyclistes ont pédalé sur Éply. Le quatrième escadron s'est porté sur Mailly, où il a été accueilli à coups de fusil. Le bataillon, tête du gros de la brigade, qui pendant ce temps a atteint et franchi la Seille, marche sur le village. L'artillerie prend position tout entière sur le mamelon 1 kilomètre nord de Nomeny.
Le bataillon dirigé sur Mailly s'en empare, et attaque la lisière sud du bois de Mailly. Le bataillon dirigé sur Raucourt attaque le village, avec l'appui de l'artillerie, qui a fait un bond en avant, pour venir s'établir sur la crête 1500 mètres nord-est de Rouves. Un bataillon du gros s'avance dans la dépression à 1500 métres sud de Raucourt, prêt à soutenir l'attaque, assurant également la protection de l'artillerie. Le reste du gros (3 bataillons) se rassemble dans le pli de terrain 1 kilomètre à l'ouest de Mailly, masqué par la crête.
Le commandant du détachement, constatant que son infanterie progresse dans le bois de Mailly et le long de la lisière ouest de ce bois, se décide à faire avancer son gros à l'abri (à l'est) de la crête 235, pour porter son principal effort sur Ressaincourt et le bois de Ressaincourt. Il appelle une de ses batteries, qui, lorsque l'infanterie est déployée devant les deux points d'appui, vient s'établir à la cote 235.
Le bataillon en réserve 1500 mètres sud de Raucourt reçoit l'ordre, au cas où l'ennemi passerait à l'offensive direction Raucourt, Nomeny, de recueillir le bataillon qui attaque le village, et de contenir l'attaque avec l'appui de l'artillerie.


J'aborde maintenant l'examen de votre manœuvre :

Rien à dire des dispositions que vous prenez à 8h20. Tous vos efforts doivent tendre tout d'abord, c'est visible, à vous établir sur la position Raucourt, Ressaincourt. Cette position, forte sur son front, peut difficilement être abordée par l'ouest : le terrain entre Éply et Raucourt se prête mal à une attaque. A l'est, elle s'appuie au massif forestier, où vous devrez mettre du monde pour vous couvrir, et pour assurer, - ce qui est essentiel, - votre liaison avec l'armée du Nord. Vous serez là en excellente posture, soit pour résister, si vous y êtes obligé, soit pour passer ensuite à l'attaque.
Mais, à 8h20, on vous signale la fusillade du côté de Mailly, où vous n'avez qu'un escadron. Les progrès de l'ennemi dans cette région sont particulièrement inquiétants, car ils tendent à vous séparer de la droite de votre armée, que vous avez expressément pour mission de couvrir. J'estime que vous ne vous en inquiétez pas assez. Vous dirigez un bataillon d'avant-garde de ce côté, mais vous l'arrêtez à Ressaincourt et à la corne sud du bois du même nom. Sans doute, il fallait assurer tout d'abord la possession de ces deux points d'appui. Mais, au moins provisoirement, une compagnie dans chacun d'eux c'était largement suffisant. Le reste du bataillon, il fallait le pousser tout de suite sur Mailly pour occuper le village et rester maître tout au moins de la lisière sud du bois de Mailly.
Une observation à propos de vos ordres de 8h20 : vous n'indiquez à aucun des exécutants le but que vous vous proposez. Vous leur dites: Faites ceci, occupez tels points, avec telles forces … Vous les maniez comme les pions d'un jeu d'échecs, auxquels on n'est pas obligé d'expliquer pourquoi on les déplace. Aucune idée d'ensemble de l'opération à laquelle ils vont concourir et, ceci est la conséquence de cela, aucune mission particulière indiquée. Dans quel sens voulez-vous qu'agisse leur initiative? « Chaque soldat, - ne nous lassons pas de le répéter, - doit connaître sa manœuvre. »
L'expérience le montre : aux manœuvres et, ce qui est plus grave, à la guerre, cette faute est une de celles qui sont le plus souvent commises. La précipitation de l'action l'explique parfois, ne l'excuse jamais. Profitons donc des manœuvres sur la carte, ou rien ne presse, pour prendre une bonne fois l'habitude d'orienter comme il convient nos subordonnés, pour nous exercer, ce qui n'est pas toujours facile, à définir d'une façon aussi brève et aussi claire que possible ce but, cette mission, dont la connaissance est indispensable à chaque exécutant, pour pouvoir adapter rationnellement sa conduite aux circonstances.
A 8''45, vous vous proposez de rejeter l'ennemi au delà de la Seille. L'idée est parfaitement juste. Mais vous êtes décidé, dès 8h 45, à ne pas y employer toutes vos forces, parce que, - dites-vous,– il s'agit pour vous de durer. Entre ces deux buts: 1° rejeter l'ennemi au delà de la Seille; 2° vous réserver pour des besoins ultérieurs, vous adoptez un moyen terme : n'attaquer qu'avec une partie de vos forces. Eh bien, c'est Napoléon qui le dit «A la guerre, les mezzo termine ne valent rien.» Vous échouerez, parce que vous aurez employé des moyens insuffisants. Vous mettiez toutes les chances de votre côté en attaquant à fond, avec toutes vos forces, quitte à passer à la défensive, à vous cramponner au terrain, si, en cours d'exécution, l'ennemi se manifestait supérieur. Cette condition n'est d'ailleurs pas spéciale à votre cas : c'est la condition dans toute attaque.

Mais étudions le détail :

Vous laissez à l'est de Saint-Jure, à 2 kilomètres en arrière, votre bataillon de réserve générale. Comment l'aurez-vous à temps, quand vous en aurez besoin?
Vous n'appelez qu'une des batteries du gros. A quoi pourront bien servir les deux autres, que vous laissez en surveillance sur la crête de la rive droite du ruisseau de Vigny? Une batterie pour préparer l'attaque, un bataillon pour l'exécuter, quand on dispose de six bataillons et de quatre batteries, c'est vraiment peu. Une attaque qui n'est pas une simple démonstration, une attaque qui veut réussir : - vous voulez, dites-vous, rejeter l'ennemi à la Seille, - ne se conçoit qu'à la condition, pour le chef, d'être fermement décidé à faire concourir au succès tous ses moyens.
L'intention de rejeter l'ennemi à la Seille, vous vous êtes contenté de la marquer. Vous n'attaquez que pour marquer le principe, beaucoup plus préoccupé que vous êtes de vous ménager les moyens de passer à la défensive, ou même de couvrir éventuellement votre retraite, qu'au fond vous préparez déjà, en laissant votre bataillon de réserve générale à l'est de Saint-Jure, la moitié de votre artillerie sur la crête au nord du ruisseau de Vigny.
La faute que vous commettez, vous ne tardez pas d'ailleurs à en payer les conséquences. La lutte d'artillerie s'engage pour vous dans les conditions les plus mauvaises qui soient. Disposant au total de quatre batteries, vous entamez cette lutte, à 9 heures, avec une seule. Vous la poursuivez, à partir de 9h20, avec deux. Votre troisième batterie, qui arrive à 9h40, doit s'employer immédiatement à appuyer la défense de Ressaincourt. Est-il étonnant que vous n'arriviez pas à prendre sur l'artillerie ennemie une supériorité marquée? Bien heureux encore que la distance vous ait épargné une sanction plus grave !
Pourquoi votre batterie d'avant-garde ne prend-elle aucune part à la lutte d'artillerie? Sans doute, de sa position de caponnière au nord et près de Ressaincourt, elle bat efficacement les abords de HaucourL Mais l'ennemi n'enlèvera pas ce village sans en préparer l'attaque avec son artillerie. Vous appliquer à paralyser celle-ci est donc, pour le moment, le meilleur moyen de défendre Raucourt.
Combien votre situation eût été meilleure, si, dès 9 heures, -vous le pouviez, - vous aviez eu vos quatre batteries réunies sur la crête au nord de Ressaincourt, en mesure de combiner leurs efforts soit pour dominer l'artillerie adverse, soit pour tenir sous leur feu les crêtes que l'infanterie ennemie doit traverser pour progresser vers votre position, en particulier la crête 235, qu'elle est obligée de franchir pour aborder Ressaincourt ! Combien surtout vous eussiez été en meilleure posture pour attaquer vous-même !
A 10 heures, vous vous décidez à battre en retraite. A l'encontre de ce qui se passe ailleurs, nous poserons et nous discuterons tout à l'heure la question préalable : Fallait-il battre en retraite ? Supposons pour le moment que votre résolution soit justifiée, et examinons les conditions dans lesquelles vous exécutez votre rupture du combat.
Vous vous proposez d'aller occuper en arrière une nouvelle position entre AIlémont et Berupt. Vous avez à ce moment deux bataillons disponibles le deuxième du deuxième régiment, entre la cote 264 et la corne ouest du bois de Ressaincourt; le troisième du deuxième régiment, à 800 mètres au nord de la cote 264. Vous envoyez celui-ci prendre immédiatement position sur la croupe d'Allémont, et, pour faciliter, dites-vous, rupture du combat, vous contre-attaquez avec l'autre.
Est-ce cela qu'il fallait faire ?
L'ennemi a trois bataillons devant Ressaincourt, où vous avez deux compagnies. Votre effort offensif va vous engager dans des conditions telles qu'une solution ne saurait tarder à intervenir, -suivant toute vraisemblance, à votre détriment, - aux abords du hameau. Vous n'aurez plus ensuite aucune troupe fraîche pour retarder le moment où l'ennemi prendra possession du plateau entre Ressaincourt et la cote 264. Dans quelles conditions s'exécutera votre retraite, quand l'ennemi y sera établi et y aura amené son artillerie ?
Vous n'aurez de repli que sur la croupe à l'est d'Allémont, où d'ailleurs votre troisième bataillon du deuxième régiment, ni votre artillerie, n'auront peut-être pas encore eu le temps de s'installer. Comment s'effectuera en particulier la retraite de vos deux bataillons engagés à Raucourt ?
Une fois votre retraite décidée, il fallait vous proposer de l'exécuter par échelons, en commençant précisément par ces deux bataillons. L'ennemi n'attaque Raucourt que de front, avec un seul bataillon. Vos deux bataillons pouvaient se dégager sans difficulté. L'établissement de l'ennemi sur la croupe au nord de Ressaincourt leur faisait courir un danger bien autrement sérieux. C'est à les prémunir contre ce danger que les troupes fraîches (2 bataillons) dont vous disposez encore, et votre artillerie, devaient être employées.
Le terrain vous offrait le moyen d'établir, entre la cote 264 et le bois, et au nord-ouest de la cote 264, une ligne d'infanterie soustraite aux vues de la batterie ennemie qui canonne Ressaincourt et de l'artillerie établie à 1500 mètres nord-est de Rouves, ligne d'infanterie tenant sous son feu le sommet du plateua au sud. Vous eussiez ainsi recueilli les deux compagnies évacuant Ressaincourt, et, ce qui est essentiel, vous eussiez empêche longtemps l'ennemi de prendre pied sur la hauteur au nord du hameau.
Pour y aider, en même temps que pour couvrir la retraite de vos bataillons de Raucourt, votre artillerie serait venue prendre position sur la croupe orientée est-ouest, au sud-est de Saint-Jure. Plus tard seulement, elle serait allée, par échelons, s'établir sur les hauteurs à l'est d'Allémont, sous la protection de vos deux bataillons venus de Raucourt.
De ces hauteurs, elle eût été en mesure de couvrir la retraite de votre deuxième échelon : les bataillons postés aux environs de la cote 264.
Pensez-vous que cet ensemble de dispositions n'était pas meilleur ?
Mais fallait-il rompre le combat, pour aller occuper une nouvelle position sur les hauteurs à l'est d'Allémont?
Votre résolution de battre en retraite n'a pas été pour moi une surprise. Elle était la conséquence forcée de votre disposition d'esprit antérieure. Pour vous en aller, vous n'attendez même pas que l'ennemi vous ait révélé manifestement des forces supérieures. Ces forces, vous supposez qu'il les possède et, de plus, qu'il les a à pied d'œuvre. Vous ne les attendez pas. Vous évacuez de plein gré votre position.
Il n'y a qu'un malheur, mais il est sérieux : votre mission n'est pas remplie. C'est plus qu'un malheur, c'est une faute, parce que vous n'avez pas fait le possible pour la remplir.
Couvrir la droite de l'armée du Nord, conserver la liaison avec Metz, telle était votre mission. On ne vous signale pas d'autre ennemi que celui qui a débouché par Nomeny. Jusqu'ici, la liaison avec Metz n'est pas menacée. Tous vos efforts peuvent, c'est-à-dire doivent s'employer à couvrir la droite de l'armée.
Cette droite, on vous l'a dit, est à Thézey-Saint-Martin. Sous prétexte de vous réserver pour des besoins ultérieurs problématiques, vous la découvrez, vous l'abandonnez pour aller vous établir entre Allémont et Berupt. L'ennemi, maître de Raucourt et de Ressaincourt, que vous venez d'évacuer, maître de Mailly, et du bois de Mailly, que vous n'avez fair aucun effort pour occuper et tenir, quand il en était temps encore, - plus tard, pour enlever, - l'ennemi va pouvoir maintenant, tout à son aise, déborder et prendre en flanc la droite de l'armée du Nord.
Installé sur la hauteur Raucourt, Ressaincourt, l'ennemi n'aura pas besoin de beaucoup de forces pour se prémunir, face au nord, contre un retour offensif, que d'ailleurs vous ne méditez nullement. Sans doute, vous avez encore de l'infanterie dans les bois de Ressaincourt et de Secourt. Mais la possession du bois de Mailly, et des boqueteaux à l'est, suffit à l'ennemi pour couvrir les attaques qu'il va diriger contre la droite de l'armée.
Cette droite sera battue, l'armée tout entière peut-être oblige de se replier. Mais, grâce à votre circonspection, grâce à l'habileté que vous avez eue de vous réserver pour des besoins ultérieurs, vous serez établi, en bonne santé, entre Allémont et Berupt : façon vraiment un peu trop moderne d'appliquer la vieille maxime « Péris, mais sauve tes frères !»
II n'y a pas de doute dès que vous avez su que la droite de l'armée était à Thézey-Saint-Martin, il fallait, coûte que coûte, vous emparer du village de Mailly ou, tout au moins, du bois en arrière. Maître de ce bois, des bois à l'est (le Belvédère, le Parc), votre artillerie sur la croupe 800 mètres nord-ouest de Phlin, vous étiez en mesure de vous opposer à une attaque débordante de l'ennemi contre Thézey.
Une offensive énergique, par l'ouest du massif forestier, dans la direction de Mailly, attirait sur vous, de toutes façons, des forces ennemies importantes, qui ne pouvaient s'employer contre la droite de l'armée du Nord. En cas d'échec, vous ne risquiez que d'être rejeté sur les bois de Ressaincourt et de Mailly. L'ennemi ne vous en aurait pas expulsé aisément, et votre présence y eut paralysé longtemps ses efforts contre Thézey.
Sans doute, l'ennemi pouvait se proposer de déborder et de tourner, par l'ouest et par le nord, l'ensemble du massif forestier. Mais l'opération eût été fort risquée; elle eût été longue; elle eût demandé des forces considérables, ne fût-ce que pour se couvrir contre une offensive de votre part, toujours possible. Autant de forces encore détournées de l'objectif à couvrir par vous : la droite de l'armée.
Enfin, si l'armée était obligée de se replier, l'occupation du massif couvrait encore sa droite contre les tentatives débordantes de l'adversaire.
Chose curieuse l'importance du massif forestier, l'importance en particulier du bois et du village de Mailly ne vous ont nullement échappé. Vous n'avez pas osé pourtant vous engager à fond pour vous en emparer, et pour en rester maître. Vous avez craint de vous faire battre. L'idée ne vous est pas venue qu'il y avait un malheur plus grand que celui-là : ne pas remplir votre mission.
« Bazaine pouvait me battre, - disait Alvensleben le 16 août, - il ne se serait pas débarrassé de moi aisément. » Même battu, le commandant du IIIe corps prussien prétendait remplir, malgré tout, la mission qu'il s'était attribuée.
Que ne vous êtes-vous inspiré de cette idée ! Que n'avez-vous appliqué la même tactique l'offensive, l'offensive quand même ! L'offensive, qui possède en elle-même une telle vertu, tant de ressources insoupçonnées, que, dans une situation qui semble sans issue, elle offre encore, en dépit même de l'apparence contraire, le meilleur, souvent l'unique moyen de se tirer d'affaire : l'offensive, qui en impose à l'adversaire; l'offensive, qui maintient dans notre camp l'ascendant des forces morales ; l'offensive, qui, pour toutes ces raisons, est seule capable, dans un cas difficile ou douteux, de satisfaire entièrement la conscience militaire d'un chef, en lui donnant la pleine assurance qu'il aura fait, quoi qu'il arrive, tout le possible, et même l'impossible, c'est-à-dire simplement son devoir.

Lieutenant-colonel MAISTRE,
Du 79e régiment d'infanterie.

samedi 2 février 2013

Manoeuvre à simple action : 3 engagement du gros.


DEUXIEME PARTIE – ENGAGEMENT DU GROS DU DETACHEMENT

Directeur (au commandant du parti). Où étiez-vous, et qu'avez-vous fait, lorsque vous avez entendu les premiers coups de canon, vers 7h15, heure à laquelle vous n'aviez encore reçu aucun renseignement de votre cavalerie ?

Commandant du parti. A 7h15, j'étais en marche, avec mon avant-garde, sur la grand'route, à hauteur du grand bois de la Hautonnerie (3 kilomètres nord de Louvigny). Dès que j'entends le canon vers Nomeny, je me porte en avant au trot, escorté par un peloton de cavalerie, dans l'espoir de rejoindre le gros de ma cavalerie, et, en tous cas, pour me rendre compte de la situation.

D. Partir, c'est très bien mais n'oubliez pas de laisser une ligne de conduite à celui qui vous remplace. Que lui dites-vous ?

Ct du parti. Voici mes instructions :
«L'ennemi parait déboucher de Nomeny.
« II importe d'arriver le plus vite possible à la Seille, de façon à pouvoir le rejeter sur la rive gauche, s'il n'a encore fait passer que des forces insuffisantes pour se maintenir sur la rive droite. »

D. Soit. En cours de route, vous rencontrez une estafette qui vous apporte la nouvelle qu'à 7h15 de l'infanterie, appuyée par de l'artillerie, cherchait à déboucher de Nomeny.
Vers 8h15, vous rejoignez le commandant de la cavalerie, à l'est de Raucourt. Il vous fait savoir qu'il a dû abandonner les abords immédiats de Nomeny, devant des forces supérieures : l'ennemi a montré jusqu'ici trois ou quatre escadrons, un bataillon d'infanterie environ, une ou deux batteries. Vos escadrons ont reçu du commandant de la cavalerie l'ordre de se replier sur Raucourt, Ressaincourt, bois de Mailly, et d'y tenir jusqu'à l'arrivée de l'infanterie. La batterie qui opérait avec eux a été rappelée vers Ressaincourt.
Vous avez été informé que la droite de l'armée s'étendait jusque Thézey-Saint-Martin.
A 7h30, l'ennemi n'avait pas paru à Port-sur-Seille et à Cheminot.
Vous voyez deux de vos escadrons entrer dans Raucourt, et s'y établir. Trois escadrons ennemis les poursuivaient mais, sans aborder les lisières de Raucourt, ils viennent de filer vers le nord, en passant à l'ouest de ce village.
Vous voyez encore deux autres de vos escadrons occuper le mouvement de terrain 235 et Ressaincourt.
Vous entendez le canon dans la direction de Nomeny, et la fusillade vers Mailly.
Que décidez-vous?

Ct du parti. L'ennemi n'a encore montré que de la cavalerie, un bataillon, et une ou deux batteries. Je veux attaquer dans le double but de reconnaître, et de rejeter si possible sur la rive gauche les éléments qui ont franchi la rivière, afin de disposer, pour l'accomplissement de ma mission, des avantages que peut procurer cette coupure du terrain.
Je ne crains pas, quant à présent, d'enveloppement sur ma droite.
Quant à la liaison avec l'armée (Thézey-Saint-Martin), elle ne sera assurée que si j'atteins la Seille à Abaucourt, ou si, au minimum, je suis maître du massif forestier au nord-est de Mailly : nouvelle raison pour attaquer.
Mais, pour attaquer, il faut d'abord mettre mes forces en mains, les rassembler.
Où les rassembler ? Vers Saint-Jure évidemment, couvertes sur le front Raucourt, Ressaincourt.
Ce front est tenu actuellement par la cavalerie, laquelle peut être attaquée, à bref délai, par l'infanterie et l'artillerie ennemies déjà reconnues. Ma première préoccupation est de faire relever la cavalerie par les troupes de mon avant-garde, renforcées par l'artillerie du gros.
Si l'infanterie ennemie me devance dans ces points d'appui, je m'efforcerai de l'en déloger.
Après cela, j'envisagerai l'organisation de l'attaque, en vue de rejeter l'adversaire au delà de la Seille, ou bien, si celui-ci m'oppose des forces trop nombreuses, je me résoudrai à la défensive.
En conséquence, je donne, à 8h20, les ordres suivants :

Au commandant de l'avant-garde : « A partir de Saint-Jure, un bataillon sur Raucourt, un bataillon sur Ressaincourt et la corne sud du bois de Ressaincourt »;
Au commandant de la flanc-garde : « Marchez sur Raucourt, tout en continuant à remplir votre mission de flanc-garde »;
Au commandant de l'artillerie : « Établissez-vous en surveillance sur la crête de la rive droite du ruisseau de Vigny, puis, dès que vous le pourrez, portez l'artillerie à la crête 264 (nord de Ressaincourt) »;
Au commandant du deuxième régiment : « Arrivé à Saint-Jure, rassemblez le régiment à 1000 mètres à l'est. »

D. Réglons d'abord un incident qui se produit, entre 8h15 et 8h3o, à l'ouest de Raucourt :
(Au commandant de la flanc-garde) : Votre bataillon a débouché vers 8 heures de Louvigny. Arrivée aux abords du ruisseau de Vigny, la compagnie de tête a vu trois escadrons ennemis, qui, venant des abords ouest de Raucourt, s'approchaient du ruisseau vers le moulin des Moines. Ces escadrons ont fait demi-tour, se repliant dans la direction d'Éply. Qu'a fait la compagnie de tête de votre bataillon?

Commandant de la flanc-garde. Elle a suivi la route d'Éply pour se porter à la crête.

D. Arrivée à cette crête, elle n'a plus vu les cavaliers, mais constaté qu'Éply était occupé.
Le commandant du bataillon qui marche en tête de ses trois autres compagnies est parvenu au moulin des Moines vers 8h40. L'ordre l'appelant à Raucourt ne l'a pas encore touché il entend à ce moment une violente fusillade du côté de cette localité. Que fait-il ?

Ct de la flanc-garde. Pendant que sa compagnie de tête marche sur Éply, il se dirige, avec les trois autres, du moulin des Moines vers Raucourt.

D. En s'approchant de Raucourt, le commandant du bataillon apprend qu'un bataillon de l'avant-garde vient de s'y établir. Que fait-il ?

Ct de la flanc-garde. Il pousse une compagnie à la Croix du Gros Chêne, et arrête les deux autres à 5oo mètres au nord de ce dernier point. Le bataillon est ainsi disposé pour protéger l'aile droite de la brigade, ou renforcer, s'il y a lieu, les défenseurs de Raucourt.

D. La situation à 8h45 est la suivante :
Un bataillon de votre avant-garde a occupé Raucourt.
L'ennemi (un bataillon environ) attaque Raucourt, par le sud et le sud-ouest.
De l'artillerie se révèle à 1500 mètres nord-est de Rouves, et commence à battre les lisières de Raucourt.
Vous avez un escadron à Ressaincourt, un escadron à la crête 235.
L'infanterie ennemie vient d'entrer dans Mailly. Quelques fractions commencent à en déboucher vers le nord, marchant vers la lisière sud du bois de Mailly, occupée par votre escadron, qui a défendu le village.
Votre batterie détachée avec la cavalerie vient de s'établir au nord et contre Ressaincourt, face à l'ouest ; elle est dissimulée à l'artillerie ennemie, et en état d'agir dans de bonnes conditions sur les abords de Raucourt.

Ct du parti. L'ennemi attaque, mais il ne m'a pas montré des forces telles que je sois réduit déjà à abandonner l'idée de le rejeter au delà de la Seille. Toutefois, je ne contre-attaquerai pas à fond avec toutes mes forces, car ma mission est de longue durée, et je ne sais pas à quelles nécessités ultérieures j'aurai à faire face.
Par où contre-attaquer ?
Par la gauche, parce que j'y trouve des cheminements pour l'infanterie, parce que c'est la direction la plus courte pour atteindre la Seille, parce qu'enfin c'est le côté de la liaison avec l'armée.
Si la contre-attaque n'atteint pas son but final, qui est de rejeter l'ennemi au delà de la Seille, sa direction est telle qu'elle tendra toujours à ralentir l'occupation, par l'adversaire, de la zone forestière, dont l'importance a été signalée précédemment.
Quoi qu'il advienne plus tard, un premier résultat est dès maintenant acquis mon infanterie est à Raucourt, elle sera dans quelques instants à Ressaincourt. Mon gros a une zone de manœuvre assurée au nord de ce front Raucourt, Ressaincourt.
Aussi, à 8h45, j'envoie l'ordre suivant à ce gros (2e régiment) :
« En vue de rejeter l'ennemi au delà de la Seille, et de pouvoir nous établir défensivement sur cette rivière, attaquez avec un bataillon dans la direction de Mailly, par les lisières ouest des bois de Ressaincourt et de Mailly. Poussez un deuxième bataillon à l'est de la cote 264 contre le bois, où il sera prêt à soutenir le premier, mais ne s'engagera que sur mon ordre. Laissez le troisième bataillon en réserve générale à l'est de Saint-Jure. »
A 8h45 également, je donne l'ordre au commandant de l'artillerie de porter une de ses batteries à l'est de Raucourt, pour agir sur le terrain entre Mailly et Ressaincourt.
Enfin, à la même heure, je prescris au commandant de la cavalerie de réunir le plus tôt possible ses escadrons au nord de Raucourt, et de s'efforcer d'agir, par Éply et Rouves, sur la gauche et les derrières de l'ennemi.

D. A 9h15, vous apprenez que l'ennemi s'est emparé, vers 9 heures, de la lisière sud du bois de Mailly.
Une chaîne d'infanterie assez dense (quatre compagnies environ) est en ce moment déployée sur le mouvement de terrain au nord de 235. Elle vient de s'engager dans un combat de feux avec votre propre infanterie qui garnit depuis quelques minutes les lisières de Ressaincourt et du bois de Ressaincourt.
Rien de nouveau aux abords de Raucourt.
Fixez le détail de votre situation à 9h15.

Ct du parti. Premier régiment : un bataillon à Raucourt; un bataillon à l'ouest de ce village : une compagnie vers la Croix du Gros Chêne, deux compagnies en réserve à 5oo mètres au nord de ce dernier point; un bataillon ayant : deux compagnies à Ressaincourt, une compagnie à la corne sud du bois de Ressaincourt, une compagnie à la lisière du bois, 5oo mètres nord-est du hameau.
Deuxième régiment en colonne par quatre, la tête à 1 kilomètre est de Saint-Juré.
Artillerie une batterie contre la lisière nord de Ressaincourt, battant les abords sud de Raucourt;
Une batterie établie à 264 depuis 9 heures, en lutte avec l'artillerie ennemie en batterie au nord-est de Rouves;
Une batterie va arriver à 9h20, et s'établira à droite de la précédente.
La dernière batterie a été également appelée, par Saint-Jure, sur Raucourt. Elle doit être en route pour rejoindre.
Cavalerie : le commandant de la cavalerie n'a encore de disponibles, à 9h15, que les deux escadrons qui étaient à Raucourt. Un des escadrons de Ressaincourt le rejoindra dans quelques minutes ; l'autre, qui a été engagé dans le bois de Ressaincourt, ne pourra rallier qu'entre 9h3o et 9h45. Enfin, l'escadron qui a combattu à Mailly restera engagé dans les bois avec des fractions d'infanterie, et ne rejoindra pas.

D. –Je demanderai maintenant au commandant de l'artillerie comment ses batteries du gros sont entrées en action.
La première est arrivée, vers 9 heures, au mouvement de terrain 264 (nord de Ressaincourt). Je vous rappelle qu'à cette heure, la batterie détachée avec la cavalerie est en action, depuis quinze minutes environ, contre l'infanterie ennemie qui attaque Raucourt : elle n'éprouve aucun dommage de l'artillerie adverse, qui ne la voit pas. Mais, de son côté, l'ennemi a de l'artillerie sur le mouvement de terrain 1500 mètres nord-est de Rouves, qui tire sur les défenseurs de Raucourt, sans être contre-battue. Lorsque vous faites votre reconnaissance à 264, vous voyez des lueurs produites par les coups de cette artillerie et réparties inégalement sur un front de 4o millièmes environ.
Comment votre première batterie occupe-t-elle la position et comment entre-t-elle en action ?

Ct de l'artillerie. L'artillerie ennemie étant en position au moment où la nôtre va se mettre en batterie, la marche d'approche et l'occupation de la position se font à l'abri absolu de la crête jalonnée par la route Saint-Jure, Ressaincourt. Les batteries seront établies au défilement maximum permis par la condition de pouvoir tirer sur les crêtes de la rive gauche du ruisseau de Pumpey. La première batterie est installée à la gauche de la position, à intervalles aussi grands que possible, sous réserve que l'espace nécessaire à la deuxième batterie sera ménagé. Une fois établie, la première batterie prend pour objectif l'artillerie ennemie qui tire sur Raucourt.

D. Lorsque votre batterie ouvre le feu, ses lueurs sont aperçues par l'artillerie ennemie de la crête nord-est de Rouves. Vous avez pu voir alors, à gauche du front de 4o millièmes précédemment défini, de nouvelles lueurs s'étendant à 5o millièmes en dehors de ce front. Des projectiles sont tombés dans le voisinage de votre batterie, puis une rafale a balayé le terrain, en avant d'elle principalement.

Ct de l'artillerie. Le commandant de batterie a fait abriter son personnel au moment de la rafale. Puis, sans changer son objectif, c'est-à-dire continuant à tirer sur les 40 millièmes de front sur lesquels il avait ouvert le feu, il lancera lui-même les salves qu'il pourra tirer, dans l'intervalle entre les salves ou les rafales dirigées contre lui.

D. Grâce à votre défilement et aux procédés mis en œuvre par vous, vous pouvez en effet continuer à tirer, sans éprouver de pertes sérieuses. L'ennemi continue, lui aussi, à tirer tant bien que mal sur Raucourt quant à celles de ses pièces qui sont orientées sur vous, elles ne sont, d'après ce que vous venez de me dire, nullement contre-battues.
Comment, vers 9h20, votre deuxième batterie entre-t-elle en action ? Comment concevez-vous en outre que le feu de vos deux batteries pourra être conduit ?

Ct de l'artillerie. Au moment où la deuxième batterie arrive près de la position à occuper, je prescris à la première de cesser son feu et d'abriter son personnel ; puis, j'attends que les rafales de l'ennemi sur la crête 264 cessent, ce qui ne peut manquer de se produire, car on ne tire contre une artillerie masquée que lorsque celle-ci accuse sa présence et son action par son propre tir. Je profiterai alors de l'accalmie, pour faire mettre en batterie la deuxième batterie, à droite de la première, sans montrer ni un homme ni un cheval.
En ce qui concerne la direction des feux, je répartirai entre mes deux batteries le front sur lequel les lueurs se sont manifestées (45 millièmes à chaque batterie). Lorsque les deux batteries seront prêtes à ouvrir le feu, la première recommencera à tirer sur les pièces ennemies qui n'ont cessé de tirer contre Raucourt. Cette réouverture de feu correspondra sans doute à une reprise de feu contre ma première batterie, par les pièces précédemment en action contre elle. C'est alors que ma deuxième batterie commencera à tirer elle-même sur ces dernières.

D. Je ne doute pas qu'entre deux artilleries ainsi masquées, la lutte, à cette distance, puisse se prolonger assez longtemps, sans que l'une d'elles soit mise nettement en état d'infériorité. C'est ainsi que les choses se passeraient probablement dans le cas qui nous occupe. Impossible de pousser l'étude plus loin, dans un exercice sur la carte.

D. Au commandant du parti : Vers 10 heures, la chaîne ennemie qui s'est constituée sur le mouvement de terrain 235, est devenue très dense elle se porte à l'attaque de la lisière sud du bois de Ressaincourt, entraînée par de nombreux renforts ; on peut évaluer à trois bataillons les troupes de cette attaque. En même temps, une batterie apparaît à 800 mètres sud de Ressaincourt, accompagnant ce mouvement offensif.
L'infanterie ennemie pénètre dans le bois, mais se trouve engagée aussitôt avec le premier bataillon de votre second régiment, qui l'aborde sur son flanc gauche. Il en résulte un combat sous bois très confus, aux abords du chemin Mailly, Secourt, et les progrès de l'infanterie assaillante dans le bois sont pour le moment paralysés.
Mais, pendant ce temps, la batterie qui a accompagné l'attaque canonne, à 800 mètres, les lisières de Ressaincourt. Des fractions d'infanterie adverse se précipitent dans le ravin, pour aborder de là le hameau. Votre dernière batterie, en position à 9h40 à l'est de Raucourt, appuie très efficacement, pour le moment, la défense de Ressaincourt, et paraît vous en garantir jusqu'à nouvel ordre la possession, malgré la supériorité numérique des effectifs mis en jeu par l'assaillant.
Comment envisagez-vous la situation, et quels ordres donnez-vous?

Ct du parti. Mon rôle de couverture du flanc de l'armée et des communications avec Metz me commande de durer. Je ne dois pas jouer mon va-tout à 10 heures du matin. Mon adversaire s'est déployé, et a produit un gros effort offensif : il a montré quatre ou cinq bataillons et trois batteries environ. Quant à moi, non seulement je ne suis plus en situation de développer ma contre-attaque, mais, si je voulais me maintenir à Ressaincourt, il me faudrait engager mes dernières réserves. Je ne le ferai pas.
Aussi, à 10 heures, je prends la résolution de rompre le combat, et de porter ma brigade entre le ruisseau de Berupt et le ruisseau de Vigny, pour disputer à l'ennemi les débouchés nord de la région forestière, tandis que mes fractions engagées dans les bois se replieront sur Secourt.
En conséquence, je donne les ordres suivants, transmis verbalement aux intéressés :
« La brigade va rompre le combat et se reporter sur une nouvelle position défensive, à 3 kilomètres en arrière Allémont, ferme Berupt.
«Pour favoriser la rupture du combat autour de Ressaincourt, le deuxième bataillon du deuxième régiment contre-attaquera de suite, entre Ressaincourt et les bois.
«Les troupes engagées autour de Ressaincourt, sous les ordres du colonel du deuxième régiment, retraiteront, par le nord du bois de Ressaincourt, sur la portion de la nouvelle position comprise entre la route incluse Secourt, Vigny et le bois de Berupt.
«Le bataillon de réserve générale ira de suite s'établir à Allémont, et sur le mouvement de terrain situé entre ce hameau et la route Secourt, Vigny.
« Les deux bataillons engagés à Raucourt et à l'ouest, sous les ordres du colonel du premier régiment, se déroberont par Saint- Jure et l'ouest d'Allémont, et viendront s'établir, en réserve, à 800 mètres nord-est de cette dernière localité, sur la rive gauche du ruisseau de Vigny.
« L'artillerie ira s'établir derrière la crête, au sud de Vigny.
« La cavalerie favorisera la retraite, couvrira le flanc ouest du détachement, et maintiendra le contact. »

   L'exercice se termine, à suivre : la critique de l'arbitre.